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LE TRÉSOR

pays ; et cependant il n’était toujours qu’un besogneux gentleman, dont l’habit avait des pièces aux coudes.

En un mot, ces deux personnages étaient un vivant contraste : Brown ne comptait jamais sur la chance et en avait toujours ; Pierre en faisait sa principale condition de succès et n’en avait jamais. Tant que ses moyens le lui permirent, les spéculations qu’il entreprit furent faites sur une large échelle ; mais dans les derniers temps, elles étaient réduites aux misérables chances de la loterie.

Une fois il était parti vers le sud pour chercher de l’or, et pendant que ses compagnons en emplissaient leurs poches, il n’avait réussi qu’à vider les siennes plus complètement que jamais. Tout récemment, il avait employé un petit héritage, qui pouvait se monter à un millier ou deux de dollars, à l’acquisition d’un titre mexicain, qui devait le rendre propriétaire d’une province ; mais cette province était située, comme il apprit plus tard, dans un pays où, pour la même somme, il eut pu acquérir un empire. Bref, le pauvre Pierre était devenu si maigre, si efflanqué à la suite de cette dernière tentative, que les épouvantails juchés sur les arbres fruitiers lui faisaient des signes d’intelligence, le prenant pour un confrère.

III

À l’époque où commence notre récit, son revenu n’eût pas seulement suffi à payer les impositions de la masure où nous l’avons trouvé. C’était une vieille construction en bois, à plusieurs pignons, avec un étage en saillie sur le rez-de-chaussée. Ce domaine patrimonial, tout misérable qu’il fût,