Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/96

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
88
CONTES ÉTRANGES

marché qu’ici-bas, sans parler du prix des matériaux. De telles fondations sont fort convenables pour des constructions comme les vôtres, tandis que le sol que nous foulons aux pieds fait justement mon affaire. Nous pourrons ainsi être satisfaits tous deux ; est-ce dit ?

— Non pas, je persiste dans mon idée, monsieur Brown, répondit Pierre Goldthwaite, et quant à ces châteaux en l’air dont vous parlez, le mien n’aura peut-être pas la somptuosité de ces sortes d’édifices, mais, à coup sûr, il sera aussi réel que votre respectable maison, avec ses hangars, ses magasins au rez-de-chaussée, la banque au premier étage et l’étude d’avoué au second.

— Et la dépense, Pierre, dit M. Brown se retirant dépité, la dépense, y avez-vous songé ? Tirerez-vous à vue sur une banque fantastique ?

II

John Brown et Pierre Goldthwaite avaient conjointement possédé, quelque vingt ou trente ans auparavant, une maison de commerce, sous la raison sociale Goldthwaite et Brown ; mais les deux associés s’étaient bientôt séparés pour incompatibilité d’humeur. Depuis cette scission, John Brown, sans plus de qualités ni d’intelligence qu’un millier d’autres John Brown, avait, par la seule puissance d’un labeur incessant grandement prospéré, et était devenu l’un des plus opulents John Brown qui fussent sur la terre.

Pierre, au contraire, avait fait d’innombrables essais qui, à l’entendre, eussent dû faire entrer dans sa caisse toutes les espèces monnayées et tout le papier du