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CONTES ÉTRANGES

La figure sourit silencieusement.

Il arriva cependant que le poëte, tout éloigné qu’il fût de la vallée, non seulement avait beaucoup entendu parler d’Ernest, mais encore avait longuement médité sur son caractère, et ne jugeait rien d’aussi désirable que de rencontrer cet homme dont la sagesse merveilleuse n’avait d’égale que sa simplicité.

Un matin, il partit pour ce pèlerinage, et au déclin du jour il arriva près de l’humble demeure d’Ernest. Il eût pu descendre à l’hôtel qui avait été le palais de M. Amas-d’Or ; mais, sa légère valise à la main, il résolut d’aller demander au sage l’hospitalité, et s’informa de la route à suivre.

En approchant du terme de sa course, il trouva l’excellent vieillard assis et lisant attentivement un livre.

Parfois, posant le doigt sur la page commencée, il interrompait sa lecture et regardait avec tendresse la Grande Figure de pierre.

— Bonsoir, fit le poëte, pouvez-vous donner un abri pour la nuit à un voyageur ?

— Bien volontiers, répondit Ernest, et il ajouta en souriant : Je n’ai jamais vu la Grande Figure regarder un étranger d’un air si hospitalier.

— Alors le poëte s’assit auprès de lui, et tous deux se mirent à causer.

Souvent le poëte s’était entretenu avec des hommes plus spirituels ou plus instruits, mais dans aucun cas il n’avait rencontré cette éloquence naturelle qui rendait pour ainsi dire familières les vérités de l’ordre le plus élevé, à force de franchise et de simplicité.

De son côté, Ernest était à la fois ému et doucement