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CONTES ÉTRANGES

nombre les fils d’argent qui croissaient sur sa tête. Les rides mêmes qui se croisaient sur sa respectable figure semblaient des inscriptions gravées par le temps et dans lesquelles on eut pu déchiffrer les maximes de cette sagesse que lui avaient apportée les années.

En même temps, Ernest était sorti de son obscurité. La renommée, qu’il avait si peu désirée, était venue le trouver, et son nom était célébré bien au delà des limites de cette vallée dans laquelle il était resté confiné. Des professeurs, des gens de tout état venaient souvent de fort loin pour causer avec lui, sur le bruit qui courait que ce pauvre laboureur avait sur toutes choses des idées différentes de celles des autres hommes et qu’il n’avait pas puisées dans des livres.

Quels qu’ils fussent, savants, hommes d’État, philanthropes, Ernest recevait ses visiteurs avec cette sereine bienveillance, cette sincérité qui le caractérisaient. Il parlait avec eux sur les sujets les plus divers ; il recevait en confidence leurs plus secrètes pensées et leur communiquait sans nulle difficulté celles qui faisaient l’objet de ses méditations. Son cœur était un vase du cristal le plus pur, rempli d’une précieuse liqueur où chacun pouvait puiser à son gré. En parlant, sa figure s’illuminait à son insu et ses yeux lançaient une flamme douce comme le crépuscule d’un beau soir d’automne. Ses hôtes le quittaient en silence, pensifs, l’esprit rempli de ses discours, et cheminant par la vallée ; ils s’arrêtaient à considérer la Grande Figure, il leur semblait avoir vu quelque part un visage à sa ressemblance, sans qu’ils pussent pourtant préciser en quel endroit.