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LA GRANDE FIGURE DE PIERRE

autres cœurs. Ils ne savaient pas que de ces muettes leçons sortirait une plus haute sagesse que celle que renferment les livres, et une vie qui, pour n’être point modelée sur les convenances humaines, n’en serait pas moins de toutes la meilleure. Ils ne savaient pas enfin, et le jeune homme l’ignorait lui-même, que ces pensées qui germaient seules dans son cerveau, soit durant son travail, soit le soir, lorsqu’il prenait place au foyer, étaient plus nobles et plus élevées que toutes celles qu’ils pouvaient échanger entre eux. Son âme était simple, naïve comme au jour où sa mère lui raconta la vieille prophétie. Il regardait toujours la merveilleuse figure et s’étonnait ingénument que son pendant humain se fît longtemps attendre.

Durant ce temps, le pauvre M. Amas-d’Or était passé de ce monde dans l’autre, et sa dépouille mortelle avait été rendue à la terre, mais le plus bizarre, c’est qu’avant de mourir, il avait perdu sa fortune, et qu’une fois son or disparu, on s’était généralement accordé pour reconnaître qu’en réalité la ressemblance qu’il pouvait y avoir entre les ignobles traits d’un trafiquant ruiné et ceux de la Grande Figure n’était pas des plus frappantes. On oublia jusqu’au nom de M. Amas-d’Or, et son palais devint un hôtel pour les étrangers.

L’homme de la prophétie était encore à venir.

Or il arriva qu’un fils de la vallée, parti comme simple soldat depuis un certain nombre d’années, parvint, après force combats meurtriers, au grade le plus élevé. Quel que soit le nom que lui donne l’histoire, il était plus connu dans les camps sous celui de Sang-et-Tonnerre. Ce vétéran, usé par les rudes travaux de la guerre, vieux, couvert de bles-