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CONTES ÉTRANGES

respectueuse familiarité avec la Grande Figure de pierre.

Le palladium de la vallée était une de ces œuvres qu’en un jour de majestueux enjouement la nature se plaît à créer. Quelques rochers, en apparence jetés au hasard sur un versant presque perpendiculaire de la montagne, prenaient, à une certaine distance, l’aspect d’un profil humain. On eût dit la figure d’un Titan suspendue sur l’abîme. On voyait distinctement son front colossal élevé de cent pieds, l’immense courbure de son nez et ses lèvres formidables, qui, douées de la parole, eussent couvert les roulements du tonnerre. Si l’on approchait, la figure s’évanouissait et l’on n’apercevait plus qu’un entassement de rochers monstrueux digne de l’antique chaos ; mais, en s’éloignant de nouveau, l’on voyait reparaître la merveilleuse figure, qui semblait sortir vivante de son cadre vaporeux.

Selon la croyance populaire, c’était pour les enfants un heureux présage de grandir en contemplant la Grande Figure. La noblesse de ses traits et leur expression de majestueuse douceur semblaient le reflet d’un cœur chaud et généreux, embrassant dans un vaste amour l’humanité tout entière. La regarder était tout un enseignement. On croyait généralement que la vallée lui était redevable de sa fertilité ; son regard bienveillant dissipant les nuées et versant sur elle, avec les rayons du soleil, de bienfaisants effluves.

Au moment donc où commence ce récit, une mère et son jeune garçon, assis à la porte de leur chaumière, s’entretenaient, en la regardant, de la Grande Figure de pierre.

L’enfant s’appelait Ernest.

— Mère, disait-il, pendant que le gigantesque visage du Titan semblait lui sourire, je voudrais l’entendre parler ;