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LA FILLE AUX POISONS

un coup d’œil sur son miroir, craignant de trouver sa figure alanguie ou fatiguée par quelque maladie étrange, dont les symptômes lui auraient échappé, mais il fut agréablement surpris en voyant que jamais son teint n’avait été plus frais, ses yeux plus vifs et plus brillants.

— Au moins, pensa-t-il, son poison n’a point encore atteint mon système, je ne suis point une fleur, pour périr à un simple contact.

Et en même temps il regarda celles qu’il tenait à la main ; mais quelle ne fut pas sa terreur lorsqu’il vit ces fleurs, si fraîches naguère et couvertes de rosée peu d’instants auparavant, pencher déjà la tête et se flétrir en les touchant ! Giovanni pâlit affreusement en regarda sa figure bouleversée dans le miroir. Il se rappela la remarque de Baglioni sur l’odeur qui régnait dans la chambre ; son haleine à lui était donc empoisonnée ? Il frémit alors comme s’il avait horreur de lui-même. Cependant il sortit peu à peu de sa stupeur et regardant autour de lui, il aperçut une araignée qui semblait fort occupée à confectionner une toile, dont elle était en train de couvrir l’angle d’une corniche.

Le patient insecte venait en se jouant de résoudre le curieux problème qui consiste à fixer les deux extrémités d’un fil à des distances relativement énormes ; puis cette amarre convenablement fixée, il avait fait converger plusieurs fils au milieu du premier et s’occupait à les enlacer les uns aux autres par des mailles destinées à barrer le passage au gibier ailé. Giovanni s’approcha de l’araignée et lui lança une longue bouffée de son haleine. Immédiatement l’animal cessa d’ourdir sa toile, qui s’agita par suite du tremblement convulsif de son petit artisan. Une seconde fois Giovanni