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LA FILLE AUX POISONS

en faisant planer sur elle l’ombre même d’un soupçon.

— Giovanni, mon pauvre enfant, dit alors le professeur dont la voix exprimait la plus douce pitié, je connais mieux que vous cette malheureuse fille. Vous allez savoir toute la vérité sur l’empoisonneur Rappaccini et sa vénéneuse fille, car elle est aussi vénéneuse qu’elle est belle. Dussiez-vous oublier le respect que vous devez à mes cheveux gris, vous ne pourriez m’imposer silence, Cette vieille fable de la femme indienne est devenue une vérité dans la personne de la charmante Béatrix, grâce à la profonde et mortelle science de son père.

Giovanni poussa un gémissement et cacha sa tête dans ses mains.

Rappaccini n’a pas été arrêté dans cette horrible expérience par l’affection naturelle d’un père pour son enfant. Son zèle insensé pour la science l’a emporté. Car, il faut lui rendre cette justice, c’est un savant dans toute la force du terme, et il y a déjà longtemps qu’il a laissé son cœur au fond de ses cornues. Savez-vous quel sort vous attend ? Sans aucun doute il vous a choisi pour le sujet de quelque nouvelle expérience, dont le résultat sera votre mort, si ce n’est pis. Lorsqu’il a pour but l’intérêt de ce qu’il appelle la science, Rappaccini ne recule devant rien.

— Mais c’est un songe affreux, murmura Giovanni, sûrement c’est un songe.

— Allons, du courage, fils de mon vieil ami, rien n’est désespéré. Peut-être réussirons-nous même à délivrer cette malheureuse enfant de l’affreux destin que lui réserve la folie de son père. Voyez ce flacon d’argent, c’est l’œuvre du fameux Benvenuto Cellini, et il est digne d’être offert à