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LA FILLE AUX POISONS

du buisson, parfum que Giovanni crut reconnaître pour celui qui s’échappait des lèvres de la jeune fille, bien qu’il fût incomparablement plus pénétrant. Lorsque les regards de Béatrix tombèrent sur la plante, le jeune homme la vit porter la main sur son cœur comme pour en comprimer les battements précipités.

— Pour la première fois de ma vie, dit-elle à la fleur, je t’avais oubliée.

— Je me rappelle, signora, lui dit Giovanni, que vous m’avez promis un de ces rameaux de pourpre en échange du bouquet que je m’étais permis de laisser tomber à vos pieds, permettez-moi de le cueillir et de le conserver en souvenir de cette entrevue.

En achevant ces mots, il fit un pas en avant pour saisir une des tiges de l’arbrisseau ; mais, prompte comme l’éclair, Béatrix, pâle de frayeur, poussa un cri et lui saisit le bras, qu’elle ramena en arrière de toute la force dont elle était susceptible.

— N’y touche pas, s’écria-t-elle d’une voix mourante, sur ta vie n’y touche pas, cette plante est fatale.

Puis, cachant son visage dans ses mains, elle s’enfuit et disparut sous le portail gothique près duquel Giovanni, qui la suivait des yeux, aperçut le visage émacié de Rappaccini, qui avait été le témoin muet d’une partie de cette scène.

Giovanni ne se trouva pas plus tôt seul dans sa chambre que l’image de sa bien-aimée Béatrix vint se présenter à lui, dans toute la splendeur de sa virginale beauté et dans toute la candeur de son esprit. Elle était douée des plus charmants attributs de la femme, digne de respect, et capable à son tour de tous les héroïsmes de l’amour. Les