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CONTES ÉTRANGES

un voyageur du monde civilisé. Évidemment tout ce qu’elle savait de la vie était circonscrit par les limites de son jardin. Elle adressait au jeune homme mille questions naïves sur la ville de Padoue, sur son pays, ses amis, sa mère, ses sœurs, questions dénotant une telle ignorance des choses de ce monde, et faites avec une si naïve familiarité, que Giovanni lui répondait comme à une enfant. Son âme s’épanchait tout entière devant lui, semblable au frais ruisseau qui, jaillissant pour la première fois des profondeurs de la terre, à l’éblouissante lumière du soleil, s’étonne de réfléchir à la fois dans ses ondes la terre et les cieux. Follement bondissant, il se couvre à sa surface de bulles irisées qui, par leur éclat, rappellent les diamants et les rubis qu’il roulait dans son cours souterrain ; ainsi des pensées souvent profondes et des images étincelantes succédaient sans transition aux questions les plus enfantines de Béatrix. De temps en temps Giovanni s’étonnait de se retrouver marchant côte à côte avec cette belle créature à laquelle son imagination avait pu, dans les accès d’une vaine terreur, attribuer de si terribles facultés. Il était tout surpris de causer avec elle comme un frère avec sa sœur, et de la trouver à la fois si candide et si simple ; mais ces retours sur lui-même ne duraient qu’un instant, et l’effet que produisait sur lui le caractère de la jeune fille était trop réel pour qu’il ne se familiarisât pas avec elle dès la première entrevue.

Tout en causant, ils avaient traversé le jardin dans toute sa largeur et fait maints détours dans ses allées sinueuses. Ils étaient arrivés à la fontaine en ruines auprès de laquelle resplendissait l’admirable plante qui l’ombrageait de ses rameaux de pourpre. Une odeur particulière s’échappait