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CONTES ÉTRANGES

de faire en cette occurrence. S’excuserait-il simplement de son intrusion dans le jardin, ou sa présence était justifiée par le désir, ou tout au moins la permission tacite du docteur Rappaccini ou de Béatrix. Mais l’accueil qu’il reçut de Béatrix l’eut bientôt mis à son aise, tout en laissant subsister ses doutes sur le motif qui lui avait valu son entrée. Elle s’avança vers lui jusqu’à la fontaine, son visage exprimant une joyeuse surprise.

— Vous êtes un amateur de fleurs, signor, dit-elle avec un sourire, en faisant sans doute allusion au bouquet qu’il lui avait jeté de sa fenêtre. Aussi je ne m’étonne point qu’à force de regarder la rare collection de mon père, vous ayez cédé à la tentation de la contempler de plus près. S’il était avec nous, il pourrait vous raconter nombre de faits intéressants sur la nature et les mœurs de ses plantes, car il a consacré sa vie à leur étude et ce jardin est son univers.

— Et vous-même, mademoiselle, répondit Giovanni, il paraît, s’il faut en croire la renommée, que vous connaissez aussi profondément les secrètes propriétés de toutes ces fleurs au pénétrant parfum ; si vous daigniez être mon institutrice, je ferais, sous votre direction, des progrès au moins aussi rapides qu’avec le docteur Rappaccini lui-même.

— Comment, on répand de tels bruits ? fit Béatrix avec un rire harmonieux. On me prétend donc aussi savante que mon père ? Voilà, en vérité, une excellente plaisanterie ! Non, signor, quoique j’aie grandi au milieu de ces fleurs, je ne connais guère que leurs couleurs et leurs parfums. Aussi, je vous prie bien de ne pas ajouter foi à ces sottes inventions sur ma prétendue science et de ne croire de moi que ce que vous avez vu de vos propres yeux.