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CONTES ÉTRANGES

seur, lorsque celui-ci se fut éloigné. Vous a-t-il déjà vu ?

— Non, pas que je sache, répondit Giovanni tressaient à ce nom.

— Il vous a vu ; il faut qu’il vous ait vu, reprit précipitamment Baglioni ; pour un dessein que j’ignore, il a fait de vous l’objet d’une étude quelconque. Je connais ce regard ! c’est bien ce coup d’œil froid et implacable qu’il jette sur un oiseau, une souris ou bien un papillon lorsque, pour accomplir quelque diabolique expérience, il empoisonne au parfum de ses fleurs un de ces petits êtres. C’est un regard profond comme la nature, mais privé de l’ardent amour que cette dernière porte à ses créatures. Signor Giovanni, je répondrais sur ma propre existence que vous êtes, à votre insu, le sujet d’une des expériences de Rappaccini !

— C’est vous qui voulez me rendre fou ! s’écria Giovanni hors de lui, et c’est là, signor professeur, une expérience de fort mauvais goût.

— Je vous répète, mon pauvre ami, que Rappaccini a jeté les yeux sur vous dans un but scientifique quelconque. Vous êtes tombé dans des mains impitoyables, et je me tromperais fort si la signora Béatrix ne jouait pas un rôle dans ce mystère.

Mais Giovanni, trouvant intolérable l’insistance de Baglioni, s’arracha de son étreinte avant que le professeur eût songé à le retenir, et s’enfuit rapidement. Le vieux savant le regarda s’éloigner en secouant la tête avec tristesse.

— Cela ne sera pas, murmura-t-il, ce jeune homme est le fils de mon vieil ami, et je ne veux pas qu’il lui arrive un malheur dont les secrets de mon art le peuvent préserver. Il ne sera pas dit que ce misérable Rappaccini viendra