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LA FILLE AUX POISONS

— Eh ! signor Giovanni, suspendez votre course, mon jeune ami, ne me reconnaissez-vous point ? Je le comprendrais si ma figure était aussi changée que la vôtre.

C’était Baglioni, que Giovanni avait évité depuis leur dernière entrevue, dans la crainte que le professeur n’arrivât à pénétrer ses secrètes pensées. Le jeune homme essaya de rassembler ses idées, et répondit du ton d’un homme qui sort d’un songe.

— Oui, je suis Giovanni Guasconti, et vous êtes le professeur Baglioni. Maintenant permettez-moi de m’éloigner.

— Un moment, signor Giovanni Guasconti, fit le professeur en souriant et jetant sur le jeune homme un regard inquisiteur ; je fus trop longtemps l’ami de votre père pour que son fils passe auprès de moi comme un étranger dans les vieilles rues de Padoue. Arrêtez-vous, de grâce, nous avons quelques mots à échanger avant de nous séparer.

— Faites vite alors, honorable professeur, répondit Giovanni avec une fébrile impatience, car Votre Honneur doit s’apercevoir que je suis pressé.

Comme il disait ces mots, un homme âgé, vêtu de noir, passa près d’eux, se traînant avec peine comme un malade. Sa figure pâle et maigre portait l’empreinte du travail et de la méditation. Mais, sous cette débile apparence, on voyait que le frêle vieillard cachait une âme fortement trempée. Ce personnage échangea en passant un salut froid et compassé avec le professeur, mais son œil s’attacha sur Giovanni avec une persistance presque désagréable. Cependant ce regard n’avait rien d’hostile, c’était plutôt le coup d’œil scrutateur du savant que celui d’un curieux ordinaire.

— C’est le docteur Rappaccini, dit tout bas le profes-