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LA FILLE AUX POISONS

nieuse et enfantine plus douce qu’une flûte d’Arcadie ; j’accepte de bon cœur votre présent, et voudrais en échange vous offrir cette fleur, mais elle est trop légère pour que je la puisse lancer jusqu’à vous. Il faudra donc, seigneur Guasconti, que vous vous contentiez de mon remercîment.

Elle ramassa le bouquet qui était tombé sur le gazon, fit à l’étranger un gracieux salut, et continua sa promenade. Quelques instants après, comme elle s’approchait du portail, il sembla à Giovanni que les fleurs qu’il venait de lui donner si fraîches, se flétrissaient déjà sur leurs tiges. Mais c’était là sans doute une pensée chimérique qui pouvait à cette distance distinguer une fleur fraîche d’une fleur fanée ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Pendant quelques jours qui suivirent cet incident, le jeune homme évita d’ouvrir la fenêtre qui donnait sur le jardin du docteur Rappaccini, comme s’il eût craint d’y rencontrer quelque étrange ou monstrueuse apparition. Il se sentait jusqu’à un certain point sous l’influence d’un pouvoir occulte qui semblait avoir préparé son entrevue avec Béatrix. Le parti le plus sage eût été, non-seulement de quitter son logement, mais encore la ville de Padoue ; à moins qu’il ne se sentît la force d’affronter chaque jour la vue de cette jeune fille et d’en faire l’objet d’une expérience purement scientifique. Mais, puisqu’il éprouvait une telle crainte en la regardant, Giovanni n’eût pas dû rester si près de cette créature étrange, exposé à de fréquentes rencontres auxquelles son imagination surexcitée prêtait un danger de plus. Guasconti n’était point frappé d’un amour incurable, ou du moins il n’avait point sondé la