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LA FILLE AUX POISONS

doivent être rigoureusement mis à sa charge, si l’on veut porter sur lui un jugement exact.

Le jeune homme n’aurait peut-être pas ajouté foi entière aux insinuations de Baglioni, s’il eût été instruit de la sourde et ancienne rivalité des deux savants professeurs et des avantages remportés par Rappaccini dans cette lutte savante. Nous renverrons le lecteur qui désirerait en juger par lui-même, à certains mémoires en lettres gothiques que publièrent les parties adverses, et que l’on conserve encore dans la bibliothèque de l’Université de Padoue.

— Je ne sais trop, savant professeur, reprit Giovanni après un silence, je ne sais trop quel degré de tendresse le vieux médecin porte à son art, mais il possède à ma connaissance un objet bien plus digne d’amour : c’est sa charmante fille.

— Ah ! ah ! fit en riant le professeur, notre ami Giovanni s’est vendu lui-même. Vous avez donc entendu parler de cette jeune fille dont raffolent tous mes élèves, bien que trois ou quatre d’entre eux l’aient à peine aperçue ? Je vous avoue que je sais peu de choses sur le compte de la signora Béatrix, sinon que son père l’a si bien instruite dans les sciences naturelles qu’elle serait, dit-on, capable d’occuper une chaire de professeur.

Peut-être lui destine-t-il la mienne ! Mais c’est assez nous occuper d’absurdes rumeurs qui n’ont sans doute aucun fondement ; ainsi, videz, mon cher Giovanni, ce verre de lacryma-christi, c’est du meilleur.

Guasconti, légèrement échauffé par les fréquentes rasades que lui avait versées le professeur, regagna sa demeure, sentant tournoyer dans son cerveau troublé les images de