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LA FILLE AUX POISONS

dès qu’il se fut approché de la belle plante dont les rameaux de pourpre ombrageaient la fontaine, il couvrit, par surcroît de précautions, la partie inférieure de son visage d’une espèce de masque, comme si ce miracle de la nature était doué de propriétés encore plus malfaisantes en raison de sa splendeur. Néanmoins cette dernière précaution ne lui parut pas même suffisante, et, se reculant de quelques pas, il ôta son masque et appela d’une voix cassée :

— Béatrix ! Béatrix !

— Me voici, mon père, que voulez-vous, répondit une voix jeune et vibrante qui semblait sortir de l’édifice opposé, êtes-vous dans le jardin ?

— Oui, Béatrix, j’ai besoin de votre aide.

En même temps une ravissante jeune fille apparut sous le noir portail de la vieille maison, aussi richement parée que la plus brillante de ses fleurs, un miracle de beauté dans tout l’épanouissement de la jeunesse, pétillante de sève et dont le corsage virginal accusait des trésors capables de lutter avec la statuaire antique.

L’imagination de Giovanni, violemment surexcitée par cette apparition, lui suggéra les idées les plus bizarres. Il lui sembla que la belle inconnue était une fleur, sœur humaine des autres fleurs, aussi belle, que dis-je, plus belle cent fois que la plus splendide d’entre elles. Il observa, non sans étonnement, que, bien loin de mettre des gants et de s’affubler d’un masque pour approcher des plantes, elle s’avançait lentement dans l’allée principale, aspirant leur parfum sans éprouver la plus légère crainte.

— De ce côté, Béatrix, lui dit le savant, et voyez combien vos soins sont nécessaires au plus précieux de nos