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CONTES ÉTRANGES

atteignit le terme de sa vie avant d’avoir pu réparer l’échec fait à sa fortune.

Le docteur Cacophodel revint à son laboratoire, chargé d’une prodigieuse quantité d’échantillons minéralogiques qu’il réduisit en poussière, fit dissoudre dans les acides, fondre dans des creusets et soumit à des courants électriques. Après quoi il publia les résultats de ses expériences dans un volume fort lourd dans toutes les acceptions du mot. Il n’eût pas fait mieux s’il se fut agi de la grande escarboucle.

Le poète — ces gens s’abusent tacitement — ayant ramassé un gros morceau de cristal dans une fissure de la montagne, lui trouva toutes les vertus qu’il attribuait à la merveilleuse pierre, et fut heureux, croyant la posséder.

Pour le lord de Vère, il regagna la grande salle de son château et se contenta de l’éclairer, comme par le passé, avec des candélabres. Il alla ensuite, au temps marqué, rejoindre ses honorables ancêtres, et la lueur funèbre des torchères remplaça dans son caveau les feux de la grande escarboucle.

Le railleur, après avoir jeté ses lunettes, désormais inutiles, erra misérablement par le monde, tourmenté du désir insatiable de revoir la lumière, châtiment terrible de l’aveuglement volontaire dans lequel il avait passé la première partie de sa vie. Durant cette longue nuit, il leva bien des fois vers le ciel ses orbites brûlés, tournant instinctivement son visage du côté du soleil, comme un adorateur du feu. Il périt dans le grand incendie de Londres, dans lequel il se jeta, espérant qu’il verrait peut-être un rayon de cette flamme qui montait jusqu’au ciel.