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LA GRANDE ESCARBOUCLE

jetèrent un regard désolé sur la route ombreuse qu’ils avaient suivie, hésitant à s’engager dans ces solitudes désolées.

— Irons-nous plus loin ? demanda Mathieu, passant son bras autour de la taille d’Anna, autant pour la soutenir que pour raffermir son courage.

La jeune épouse, toute simple qu’elle fut, était trop femme cependant pour sitôt renoncer à l’espoir de posséder le plus beau des diamants ; le tout pour quelques périls à affronter.

— Montons toujours, murmura-t-elle résolue, quoiqu’un peu tremblante et tournant vers le ciel des yeux qui semblaient l’implorer.

— Viens alors, dit Mathieu, faisant appel à toute sa résolution et la soutenant de son mieux, car au dernier moment la jeune femme sentait le courage lui manquer.

Ils traversèrent d’abord une zone stérile dans laquelle croissaient çà et là quelques pins rabougris aux troncs moussus, et qui, malgré les années accumulées sur leurs têtes, n’atteignent jamais plus de trois ou quatre pieds. Ensuite ils s’aventurèrent au milieu d’un amas de fragments granitiques amoncelés les uns sur les autres, à l’instar des monuments tumulaires élevés par les peuples primitifs. L’atmosphère était devenue beaucoup plus froide, et rien de vivant n’égayait cette région, comme si la nature, lassée de les accompagner, eût refusé de leur tenir plus longtemps compagnie. Réfugiée dans les derniers arbustes de la forêt, cette mère des humains semblait jeter de loin un dernier adieu à ses aventureux enfants ; mais bientôt elle disparut même à leurs regards dans la personne d’un maigre buisson,