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CONTES ÉTRANGES

provenait que du manque de sagacité et de persévérance de ceux qui avaient tenté l’entreprise.

Durant un moment de silence, l’homme aux grandes lunettes, après avoir promené sur ses compagnons le sourire railleur qui semblait stéréotypé sur sa vilaine figure :

— Chers camarades, leur dit-il, nous sommes ici sept hommes doués de raison, plus une charmante personne, non moins raisonnable qu’aucun de nous, je suppose ; tous nous sommes animés de la même convoitise ; ne serait-il pas intéressant que chacun de nous déclarât ce qu’il se propose de faire de la grande escarboucle, s’il a le bonheur de la trouver, et, pour commencer, quels sont les projets qu’a formés notre ami la peau d’ours, depuis le temps qu’il la cherche dans les moindres anfractuosités des montagnes Blanches ?

— Ce que j’en ferais ? s’écria le vieux chercheur avec amertume ; allez, je ne songe point à en tirer de puériles jouissances. Il y a longtemps que cette folle idée m’est passée. Mais je reste fidèle à la recherche de cette pierre maudite, parce que cette ambition de ma jeunesse est devenue pour mon âge mûr une nécessité. Grâce à elle, j’ai conservé ma force, mon énergie, la vigueur de mes membres et la chaleur de mon sang. Si je l’abandonnais un seul jour, je tomberais pour ne plus me relever. Aussi, pour n’avoir pas sans motif gaspillé mes beaux jours, je conserve intacte ma foi dans le succès, et si je la trouve, la grande escarboucle, je l’emporterai dans une caverne dont seul je connais le secret ; et là, je mourrai la tenant dans mes bras, lui faisant de ma dépouille un éternel linceul.

— Malheureux, tu n’as donc aucun souci de la science ?