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CONTES ÉTRANGES

Un rire sarcastique et silencieux plissait à tout moment sa joue à moitié cachée par une énorme paire de lunettes.

On ne connaissait pas davantage le nom de son voisin, et c’était fâcheux, car il avait toute l’allure d’un poëte. Ses yeux brillaient sur un visage hâve, et il n’avait que la peau sur les os ; ce qui n’avait rien d’étonnant si, comme on le prétendait, il ne se nourrissait que de brouillard étendu sur une épaisse tranche de nuage et assaisonné d’un rayon de lune. Ce qu’il y avait de certain, c’est que sa poésie se ressentait de ce régime.

Un peu plus loin, et à l’écart, se tenait le sixième voyageur. C’était un jeune homme de fière mine, porteur d’un superbe chapeau à plumes et d’un habit dont les riches broderies étincelaient au moins autant que la poignée de son épée enrichie de pierreries. Le lord de Vère, tel était son nom, avait dépensé sa vie et une grande partie de sa fortune à rechercher dans les parchemins poudreux de ses ancêtres et dans mille autres endroits tout ce qui pouvait flatter l’orgueil et la vanité qu’il tenait en héritage de ses pères.

En dernier lieu, se tenaient côte à côte un beau garçon et sa compagne, tous deux en habits villageois. La jeune femme, fraîche et délicate personne, joignait au doux abandon d’une nouvelle épousée la chaste réserve des vierges. Son nom était Anna et celui de son mari Mathieu : deux noms simples comme ceux qui les portaient.

Donc cette réunion de personnages si différents les uns des autres, sous un toit unique et autour du même feu, était si préoccupée de l’objet de la recherche commune, que tous les sujets de conversation qu’ils abordèrent y