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CONTES ÉTRANGES

Un seul d’entre eux, peut-être, restait assez étranger au charme de cette sympathie si facile à naître entre voyageurs. Il était trop absorbé par l’objet de sa recherche pour ne pas voir sans indifférence des visages humains, même au milieu de l’effroyable solitude où il les avait rencontrés.

Cet endroit était séparé de toute habitation par un vaste désert ; d’un côté se dressait une sombre chaîne de montagnes, revêtue de pins jusqu’au tiers environ de son altitude, et dont les pies hérissés, s’enfonçant dans les nuages, semblaient menacer le ciel ; de l’autre on voyait follement bondir dans son lit encaissé la torrentueuse rivière, dont les mugissements se mêlaient aux sourdes rafales du vent.

Lorsqu’ils eurent achevé de construire la cabane, nos chercheurs d’aventures étalèrent leurs provisions sur une petite plate-forme de granit et se les partagèrent dans une fraternelle agape, en attendant l’heure où, de nouveau rendus à leur préoccupation personnelle, ils redeviendraient étrangers l’un à l’autre.

Ils étaient là sept hommes et une jeune femme. Engourdis par le froid humide de la nuit, ils se pressaient autour d’un feu pétillant dont la flamme éclairait en plein leur wigwam improvisé, se jouait capricieusement sur leurs visages, reflétant sur la paroi du rocher leurs silhouettes amplifiées, et qui semblaient de gigantesques caricatures.

Le plus âgé de la troupe était un homme de haute taille, très-maigre, vêtu de peaux d’animaux et qui portait avec tant d’aisance ce sauvage costume que l’on comprenait à première vue qu’il n’avait dû longtemps avoir d’autre compagnie que celle des loups, des daims et des ours. Il était du nombre de ces infortunés qui, au dire des Indiens,