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CONTES ÉTRANGES

— Le vieux m’a tout à fait l’air de revenir de l’autre monde, se dit-il ; puis, lâchant les rênes à sa jument, il poursuivit sa route en conservant à peu près la même distance entre lui et le fantôme, quand tout à coup celui-ci disparut au tournant de la route ; en atteignant ce point, le colporteur vit son cavalier fantastique s’engager dans la rue principale du village, et côtoyer un long mur, puis un bouquet de bois, un terrain vague et enfin une maison d’habitation qui était justement celle de M. Higginbotham, près de laquelle il disparut.

En arrivant au mur du verger, la petite jument s’arrêta d’elle-même, car Dominique était si troublé que c’était à peine s’il était en état de tenir les rênes.

— Sur le salut de mon âme, se dit-il, je ne serai content que lorsque je saurai si M. Higginbotham est oui ou non pendu à son poirier.

Puis il sauta de la voiture, tourna ses rênes autour du montant de la porte et s’enfonça dans le petit bois en courant aussi vite que s’il était poursuivi par le vieux Nick. En ce moment l’horloge du village sonna huit heures, et Dominique, après avoir traversé le verger en quelques bonds, se trouva tout à coup au pied du fatal poirier, dont une maîtresse branche s’étendait de son côté, découpant sur le ciel sa noire silhouette. Il lui sembla voir remuer le feuillage.

Le colporteur n’avait pas la prétention d’être un héros, cependant il n’hésita pas à se précipiter en avant, fit tomber d’un coup du manche de son fouet un vigoureux Irlandais qui lui barrait le passage, trouva non pas tout à fait pendu, mais tremblant, à demi mort au pied de l’arbre, M. Higginbotham en personne !