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CONTES ÉTRANGES

regarde mon cher oncle. Il a la bonté de me donner un logement dans sa maison, quoique je tienne une école dont le produit suffit à mes dépenses. J’ai quitté ce matin Kimbalton pour aller passer mon jour de congé chez une amie qui demeure à cinq milles de Parker’sfall. Mon généreux oncle, en m’entendant partir, m’a appelée pour me donner le prix de mon voyage et un dollar pour mes dépenses de route. Ensuite, comme il était encore couché, il a remis son portefeuille sous son oreiller, et m’a serré la main en me recommandant de prendre du biscuit dans mon sac pour n’être pas obligée de déjeuner en route. Je suis donc bien certaine d’avoir laissé M. Higginbotham en parfait état de santé, comme j’espère le retrouver à mon retour.

Ainsi parla cette jeune dame, dont le récit avait été débité avec tant de grâce et un si heureux choix d’expressions, que tout le monde la jugea capable de diriger la meilleure institution des États-Unis. Mais un étranger aurait pu supposer que M. Higginbotham était abhorré à Parker’sfall et qu’on avait chanté un Te Deum en l’honneur de sa mort, tant fut vif le désappointement des habitants en s’apercevant de leur méprise. Les fileurs parlèrent de décerner des honneurs publics à Dominique ; seulement ils balançaient s’ils l’enduiraient de goudron pour le rouler dans la plume et le promener triomphalement sur une perche, ou s’ils lui feraient faire un plongeon dans la fontaine publique du haut de laquelle il avait annoncé cette fausse nouvelle. La roche Tarpéienne est près du Capitole ! D’après le conseil de l’homme de loi, les édiles furent d’avis de le poursuivre comme coupable d’avoir répandu le trouble et la consternation dans la cité par un insigne mensonge. Rien n’aurait pu