Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/271

Cette page a été validée par deux contributeurs.
263
LA CATASTROPHE DE M. HIGGINBOTHAM

ginbotham. A-t-il été, oui ou non, assassiné, il y a deux ou trois nuits, par un nègre et un Irlandais ?

Dans son empressement à lui adresser cette question, Dominique n’avait pas remarqué que celui auquel il s’adressait était lui-même un homme de couleur. De jaune il devint blême en entendant ces mots ; cependant il répondit :

— Non, il n’y avait pas de nègre, c’est un Irlandais qui a fait le coup la nuit dernière, et c’est tout au plus si maintenant on a trouvé son corps.

À peine le mulâtre eut-il achevé qu’il reprit sa route d’un pas si rapide que Dominique aurait eu de la peine à le suivre, même en faisant trotter sa petite jument. Notre colporteur se trouvait cependant dans une grande perplexité. Si le meurtre n’avait été commis que le mardi soir, quel était le prophète qui l’avait annoncé le mardi matin en l’entourant de toutes ses circonstances ? D’un autre côté, si le corps de M. Higginbotham n’était pas encore découvert par sa famille, comment le mulâtre avait-il fait savoir à trente milles de distance qu’il avait été pendu, surtout ayant dû quitter Kimbalton avant la perpétration du crime ? Ces circonstances équivoques, jointes à la crainte qu’avait témoignée le mulâtre, éveillèrent dans l’esprit de Dominique la pensée de le poursuivre et de le faire arrêter comme complice du meurtre, puisque décidément il y en avait un de commis.

— Bah ! se dit le colporteur, laissons-le s’en aller, je ne veux pas que ce sang noir retombe sur ma tête, et pendre ce mulâtre ne dépendrait pas M. Higginbotham. Dépendre le pauvre gentleman, c’est mal ce que je vais dire, mais je n’aimerais pas le voir ressusciter pour me donner un démenti.