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CONTES ÉTRANGES

hollandaise. Arrêté devant sa maison, Wakefield distingue, au second étage, à travers les fenêtres du parloir, la lueur incandescente d’un feu de charbon de terre. De temps à autre apparaît sur la tapisserie la respectable silhouette de mistress Wakefield, dont la coiffe, le nez se rapprochant, hélas ! du menton, et les amples vêtements composent une caricature digne du crayon d’Hogarth, et qui, suivant qu’elle s’approche ou s’éloigne de la lumière, prend les formes les plus fantastiques.

À ce moment, une ondée tombe à l’improviste sur Wakefield, qu’elle transperce littéralement jusqu’aux os, et un léger frisson avertit le promeneur qu’en cette saison les ondées sont froides.

Voyons, est-ce qu’il va s’amuser à grelotter là, tandis qu’il a chez lui, à deux pas, un excellent feu, et que sa bonne femme va se précipiter pour lui apporter sa robe de chambre et son grand gilet de laine tricotée, avec les pantoufles qu’elle a certainement eu le soin de serrer dans le cabinet vitré de sa chambre à coucher ? Eh bien, non ! Wakefield n’est pas si sot. Il monte son escalier, lentement, car le poids de vingt années a quelque peu alourdi ses jambes, bien qu’il n’y pense guère en ce moment.

Wakefield ! arrêtez un moment, mon ami, est-ce que vous allez ainsi rentrer dans cette maison depuis si longtemps solitaire ? — Pourquoi non ? — Soit ; en ce cas sortez du tombeau de l’oubli. La porte s’ouvre, il la franchit, et je vois renaître sur son visage le sourire précurseur de la petite plaisanterie qu’il devait faire à sa femme. Il l’a cruellement éprouvée, la bonne dame ! Dieu veuille qu’elle soit heureuse maintenant. Quant à vous, Wakefield, vous achève-