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LA STATUE DE BOIS

— Si ce n’est point un sylphe, dit Copley, je vais la revoir.

Il s’élança dans l’atelier, et la première chose qu’il aperçut à sa place habituelle fut la statue de bois, près de laquelle se tenait le sculpteur occupé à réparer l’éventail dont un accident quelconque avait brisé quelques lames. Mais point de femme : l’apparition s’était évanouie et avec elle le capitaine Hunnewell, dont on entendait cependant la rude voix du côté de la porte qui donnait sur le quai.

— Placez-vous à l’arrière, madame, disait le capitaine, et vous, enfants, nagez, je voudrais être à bord.

Et l’on entendit aussitôt les avirons retomber sur l’eau qu’ils fendirent en cadence.

— Drowne, s’écria le jeune peintre en souriant, vous êtes un heureux mortel ! Quel peintre, quel statuaire eut jamais un semblable modèle ? Je ne m’étonne plus que cette enchanteresse vous ait doué du génie.

Mais le sculpteur, tournant son visage baigné de larmes, leva sur lui des yeux que n’éclairait plus le feu de l’inspiration. Ce n’était plus que l’humble ouvrier qu’on avait toujours connu.

— Je ne comprends pas ce que vous voulez dire, monsieur Copley, dit-il en portant la main à son front, et je ne sais vraiment comment il se fait que cette statue soit l’œuvre de mes mains. Il faut que je l’aie faite dans un moment de fièvre, pendant une sorte d’hallucination. Mais à présent que me voilà réveillé, il faut que je termine ce buste de l’amiral Vernon.

Et de suite il se mit à l’ouvrage, façonnant une de ces stupides figures dont il avait la spécialité ; et depuis on n’a