Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/237

Cette page a été validée par deux contributeurs.
229
LA STATUE DE BOIS

taient même que le malin esprit avait pris cette forme pour perdre plus sûrement l’âme du sculpteur.

Grâce à ces bruits divers, la réputation de la statue se répandit rapidement, tout le monde la voulut voir ; et il n’y eut bientôt plus personne dans la ville qui ne l’eût contemplée sous toutes ses faces.

Bientôt cependant le Cynosure dut reprendre la mer. Le jour de son départ, le commandant sortit de chez lui en grande tenue : habit bleu brodé d’or, gilet blanc, tricorne à ganse d’or, et l’épée au côté ; mais eût-il été mis comme un mendiant qu’il n’eût pas davantage attiré les regards des passants. En effet, cette attention, qu’on n’eût pas manqué de lui accorder dans une autre occasion, se reportait tout entière sur la personne qu’il avait au bras. Chacun en la voyant s’arrêtait, pétrifié de surprise, et se frottait les yeux pour s’assurer qu’il ne rêvait pas.

— Voyez, voyez donc, criait l’un, c’est bien elle !

— Qui donc, elle ? demandait un nouveau débarqué, je ne vois qu’un capitaine en grand uniforme avec une jeune dame qui doit être étrangère, à en juger par son costume. Par ma foi, c’est bien la plus jolie fille que j’aie vue.

— C’est elle-même, reprenait l’autre, c’est la statue de Drowne, douée de vie et de mouvement.

Il était certainement permis de croire à un miracle, car la gracieuse apparition était l’exacte reproduction du chef-d’œuvre de Drowne, et il n’y avait point dans son ajustement un seul ornement, dans sa figure un seul trait qui ne fût connu de tout le monde.

— C’est évident, disait un puritain de la vieille roche,