Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/230

Cette page a été validée par deux contributeurs.
222
CONTES ÉTRANGES

proue, regardant le public comme si elle eût eu conscience de sa supériorité. Ces spécimens de la sculpture nationale, après avoir parcouru toutes les mers, furent, même sur la Tamise, encombrée de navires de tout pays, un objet d’universelle admiration pour les marins qui eurent l’occasion de les contempler.

Cependant, pour ne pas nous écarter de la vérité, nous devons avouer que tous les produits de l’habile artiste avaient entre eux un vague air de ressemblance : l’auguste physionomie du monarque ressemblait à celle de ses sujets ; miss Peggy Hobart, la fille de l’armateur, rappelait assez bien Britannia, la Victoire et les autres figures allégoriques du même sexe ; tous enfin étaient taillés dans le même bois. Mais aussi le travail était bien conditionné, rien n’y manquait, absolument rien, sauf pourtant cette qualité précieuse qui vient du cœur ou du cerveau et qui donne la vie aux choses animées. En un mot, ses statues n’avaient qu’un défaut : c’était d’être des statues de bois.

Cependant le capitaine du Cynosure, après avoir donné ses instructions à Drowne, se disposait à le quitter :

— Et maintenant, lui dit-il gravement, il faut cesser tout autre travail, pour vous occuper de cette affaire. Quant au prix, faites de votre mieux, et vous le fixerez vous-même.

— Bien, capitaine, répondit le sculpteur avec un sourire d’intelligence, vous pouvez compter que je ferai tout pour vous satisfaire.

À partir de cette époque, les armateurs de Long-Wharf et de Town-dock, qui témoignaient de leur passion pour les arts plastiques en rendant de fréquentes visites à l’atelier de Drowne, commencèrent à remarquer le mystère