Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
215
LA PROMENADE DE LA PETITE ANNIE

IV

Voici que la foule augmente. C’est un sujet d’intéressantes réflexions au milieu de tout ce monde que la rencontre de créatures vivantes nées dans la solitude et que la fréquentation de l’homme a, pour ainsi dire, douées d’une nouvelle nature. Voyez ce petit serin dont la cage est placée sur cette fenêtre ; pauvre bestiole ! Son plumage doré s’est terni sous notre brumeux soleil ; sans doute, Annie, il voudrait bien encore voltiger sur les sommets embaumés de son île natale ; mais il est citadin maintenant, et bon gré mal gré il lui a fallu prendre les goûts et jusqu’à l’extérieur des habitants des villes. Aussi ne chante-t-il plus comme au temps où il jouissait de sa liberté. Cependant il ne semble pas avoir conscience du bien qu’il a perdu. Est-ce un malheur ?

Apercevez-vous ce perroquet qui s’égosille à crier : Joli Jacquot ! Joli Jacquot ! Sot oiseau, qui assommes les passants de ta gentillesse, tu n’es pas un bien joli Jacquot, va, malgré l’éclat de ton plumage. Si tu disais au moins : Jolie Annie ! il y aurait quelque raison dans ton babil.

Tenez, regardez cet écureuil agile, à la porte d’un marchand de fruits, voyez-le tourner tantôt en avant tantôt en arrière dans sa roue. Il est condamné à un travail continuel et néanmoins il sait y trouver un plaisir ; voilà de la vraie philosophie !

Voici venir vers nous un gros mâtin au poil hérissé ; c’est le chien de quelque paysan. Il cherche son maître et flaire