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LA PROMENADE DE LA PETITE ANNIE

d’un temple, au milieu de la foule effarée, et dont la mélodie plaintive se perd au milieu du bruit des pas, du bourdonnement des voix et du roulement des voitures. Personne ne fait attention au pauvre joueur d’orgue, si ce n’est moi et la petite Annie, dont les pieds s’agitent en cadence et marquent la mesure de l’air ; car pour elle la musique et la danse ne font qu’un. — Où vous trouver un danseur, mon Annie ? les uns ont la goutte ou des rhumatismes, d’autres sont engourdis par l’âge ou affaiblis par la maladie ; quelques-uns sont si lourds que cette preuve d’agilité de leur part pourrait défoncer les dalles du trottoir, et la plupart ont des pieds de plomb, parce que leur cœur est plus lourd que le plus dense des métaux. Quelle compagnie de danseurs ! Pour mon propre compte, je suis un gentleman dont les jambes sont trop sensées pour se livrer à un pareil exercice ! Vous ne m’en voudrez pas, chère Annie, de marcher posément.

Je voudrais savoir qui, de cette folle enfant ou de moi, prend le plus de plaisir à regarder l’étalage des magasins. Tous deux nous aimons les étoffes de soie aux nuances chatoyantes ; nous nous émerveillons ensemble devant les belles pièces d’orfévrerie et ces innombrables bijoux qui scintillent dans les boutiques des joailliers. Cependant, je crois avoir remarqué que la petite Annie est plus curieuse que moi. Elle se hausse sur la pointe des pieds pour regarder à travers les glaces, et se baisse pour voir les marchandises étalées derrière des stores. J’avouerai, pour être franc, que nous avons tous deux une prédilection pour tout ce qui a de l’éclat, du brillant.