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CONTES ÉTRANGES

pavés sont aussi propres que s’ils venaient d’être lavés par une servante hollandaise. La fillette sent le besoin de changer d’horizon, besoin commun à tous les enfants et que j’éprouvais connue les autres quand j’étais petit garçon.

Annie veut-elle aller se promener avec moi ? Voyez, je n’ai qu’à lui tendre la main, et la voilà partie, comme un oiseau léger porté par le zéphyr, trottinant par les rues avec sa belle robe de soie bleue et son petit pantalon.

— Un instant, Annie, lissez vos bruns cheveux et laissez-moi rattacher les brides de votre bonnet ; songez que nous allons nous montrer en public.

An carrefour le plus proche, nous rencontrons un embarras de voitures. Des fiacres, des diligences se sont accrochés, et les conducteurs jurent au lieu de se tirer d’affaire. Derrière eux sont arrivés des charrettes et des camions chargés de barriques et d’autres marchandises, et, brochant sur le tout, quelques voitures légères arrivant grand train, manquent de se briser et d’augmenter encore le tumulte.

Croyez-vous que la petite Annie ait peur au milieu de ce brouhaha ? vraiment non. Loin de se réfugier peureuse auprès de moi, elle passe droite et souriante, comme une heureuse enfant qu’elle est, au milieu de tout ce monde, qui a pour son âge les mêmes égards qu’on rend à la vieillesse. Personne n’ose la coudoyer, chacun s’écarte pour lui laisser le chemin libre.

Chose singulière, elle semble avoir conscience de ses droits au respect de tous.

Mais ses yeux brillent de plaisir, qu’y a-t-il ? C’est un musicien des rues, assis à quelques pas sur les marches