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LES CAPRICES DU SORT

eux, au dernier jour, un terrible témoignage. Quant à notre ami David, il continuait à dormir, ignorant que l’ombre de la mort s’était étendue sur lui.

Cependant son sommeil était moins profond. Une heure de repos avait amplement réparé la fatigue du matin et rendu à ses membres appesantis leur élasticité primitive. Il commençait à se retourner, remuant les lèvres comme s’il parlait en songe, étendant un bras, une jambe ; bref, se livrant à tous ces petits mouvements qui présagent un réveil prochain. Un bruit de roues qui s’approchait de plus en plus retentissant vint brusquer le dénouement. David se leva en sursaut et redevint subitement maître de ses idées : c’était la diligence.

— Hé ! conducteur !… cria-t-il, avez-vous encore une place ?

— Oui, sur l’impériale.

David escalada lestement la voiture, et se jucha sur la banquette. Le voilà donc roulant joyeusement vers Boston, sans jeter un regard à ce bosquet où, durant une heure, il avait été, sans s’en douter, le jouet du sort. Il ne savait pas que l’image de la fortune était venue se mirer dans l’onde limpide de la source ; il ne savait pas que le doux murmure des eaux s’était confondu avec les soupirs de l’amour ; il ignorait enfin que le spectre de la mort avait un instant menacé de les rougir de son sang ; et tout cela dans l’espace d’une heure !