Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/214

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
206
CONTES ÉTRANGES

— Mais s’il s’éveille ? dit l’autre.

Son compagnon entr’ouvrit son gilet et lui montra du doigt le manche d’un poignard.

— C’est bien.

Ils s’approchèrent alors de David, et pendant que l’un tenait l’arme meurtrière sur sa poitrine, le second se mit en devoir de fouiller dans le paquet qui soutenait la tête du jeune homme. Les figures des deux coquins, sombres, pâles, à l’idée du crime qu’ils allaient probablement commettre, étaient devenues tellement odieuses que si leur victime se fût réveillée dans cet instant, elle eût cru voir deux démons ; mais David n’avait jamais paru plus calme, alors même que tout enfant il reposait dans le giron maternel.

— Il faut que j’enlève le paquet, fit un des voleurs.

— S’il fait un mouvement, je frappe, dit l’autre.

Au même instant un gros chien survint en bondissant dans le bosquet, alla flairer les brigands, puis le dormeur, et finalement se mit à laper à longs traits l’eau de la source.

— Rien à faire, reprit l’un des deux hommes ; le maître du chien ne peut être loin.

— Alors, buvons un coup et décampons, répondit l’autre. Celui qui tenait le poignard cacha son arme dans une large poche d’où il tira une sorte de pistolet — non de ceux qui tuent. — C’était un flacon rempli de liqueur, avec un bouchon d’étain vissé sur le goulot. Tour à tour chacun le colla à ses lèvres, puis ils s’éloignèrent, échangeant force quolibets sur leur crime avorté. Quelques instants après, ils ne pensaient plus à cette aventure. Ils ne se doutaient point que l’ange de mémoire avait inscrit déjà en caractères ineffaçables leur criminelle tentative, pour porter contre