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CONTES ÉTRANGES

de soie — en supposant qu’il fût de cette étoffe, — la jeune étourdie se dirigea vers le bouquet d’érables pour remédier à ce léger accident. Qui aperçut-elle ? David endormi. Elle devint toute rose à l’idée de s’être ainsi introduite dans l’alcôve d’un jeune homme, surtout pour un pareil motif. Elle se disposait déjà à se retirer sur la pointe du pied, quand un gros bourdon, s’étant glissé dans le feuillage, se mit à voltiger bruyamment, passant alternativement d’une zone d’ombre à une zone de soleil, et se rapprochant insensiblement des lèvres du dormeur. La piqûre d’un insecte peut être mortelle. Bonne autant qu’innocente, la naïve enfant fit avec son mouchoir la chasse au monstre ailé, et finalement l’expulsa du bosquet d’érables. Quelle charmante scène ! Après cette bonne action, essoufflée, toute rouge, son cœur battant à lui rompre la poitrine, elle revint à pas furtifs jeter un dernier coup d’œil sur le jeune inconnu, en faveur duquel elle venait de livrer ce combat singulier.

— C’est qu’il est très bien, pensa-t-elle, en devenant cette fois plus rouge qu’une cerise.

Comment David n’eut-il pas un songe qui l’avertit par quelque gracieuse apparition de la présence de la jeune fille ? Comment un doux sourire ne vint-il pas la remercier d’être venue si à point ? Sans doute elle devait être celle dont l’âme, suivant une antique croyance, fut autrefois séparée de la sienne ; et que, dans ses vagues désirs de jeune homme, il avait si souvent invoquée. C’était elle seule qu’il eût aimée d’un parfait amour ; et seul il aurait pu lire dans ce cœur virginal. L’image radieuse de l’enfant se reflétait toute rougissante dans le ruisseau, elle allait s’éloigner, et jamais David ne devait plus la rencontrer.