Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.
13
LA MARQUE DE NAISSANCE

posséder un pareil secret, ou même de penser qu’il appartient à un mortel.

— Ne tremblez pas, mon amour, répondit son mari ; je n’en voudrais faire l’essai ni sur vous ni sur moi ; je voulais seulement vous prouver combien, en comparaison de pareilles découvertes, c’est peu de chose que d’effacer une petite marque sur votre visage.

En entendant cette allusion à la fatale main, la jeune femme tressaillit comme si sa joue avait été effleurée par un fer rouge.

Aylimer, cependant, retourna près de ses fourneaux, et, de la chambre où elle se tenait, Georgina l’entendait donner des ordres à Aminadab, dont la voix rude et rauque ressemblait plutôt au grognement d’un animal qu’à des accents humains. Après une absence de quelques heures, le chimiste revint auprès de sa femme, et, pour la distraire, lui fit passer en revue les curiosités de son laboratoire. Il lui fit voir entre autres une petite fiole remplie d’un parfum délicieux, dont quelques gouttes répandues dans la chambre l’imprégnèrent des plus suaves émanations.

— Et cela, qu’est-ce ? demanda Georgina en désignant un petit globe de cristal contenant une liqueur transparente, jaune comme de l’or, c’est sans doute le fameux élixir de longue vie ?

— Oui et non, répondit en souriant Aylimer, ce peut être si l’on veut l’élixir de l’immortalité, car ce liquide est de tous les poisons le plus subtil ; une goutte peut ranimer un mourant, cinq ou six gouttes le foudroieraient. Le respirer peut même, dans de certaines conditions, devenir mortel, et le plus grand roi du monde, entouré de ses gardes, pé-