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CONTES ÉTRANGES

cente main de mon fils, peut-être y retrouvera-t-il sa beauté.

L’horloger, souriant toujours avec dédain, retira son doigt, et le papillon, recouvrant la liberté de ses mouvements, parut reprendre son éclat primitif. Bien plus, à peine eut-il touché la main potelée de l’enfant, il devint si brillant, qu’il éclaira le visage du baby tout émerveillé de sa conquête. Néanmoins, il semblait à l’artiste que dans les yeux de l’enfant se trouvait l’expression railleuse du regard d’Hovenden.

— Voyez comme cela l’a rendu sage, le petit singe, fit Robert.

— En effet, je n’ai jamais vu, dit Annie, une expression si intelligente dans le regard d’un enfant. Le cher trésor comprend peut-être mieux que nous ce mystère.

Ce n’était pourtant pas l’avis du papillon, qui, partageant les doutes d’Owen, semblait hésiter à s’envoler. Il s’éleva cependant sans effort ; mais au lieu de revenir à l’enfant, il parut chercher la main de l’artiste.

— Non pas, fit celui-ci, comme si l’insecte eût pu le comprendre ; sorti du cœur de ton maître, tu n’y dois plus rentrer.

Alors, et non sans hésiter encore, le papillon voltigea comme à regret vers l’enfant, qui, impatient de ressaisir sa proie et laissant voir un sourire malicieux comme celui du vieil horloger, se jeta sur l’insecte et le saisit dans ses petits doigts. Annie ne put retenir un cri, tandis que son père éclatait de rire. Le forgeron ouvrit de force la main de son fils et n’y trouva plus qu’un petit amas de poussière brillante. C’était tout ce qui restait du mystérieux chef-d’œuvre.