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L’AMOUR DU BEAU

venable pour louer celui qui, après avoir trouvé le beau idéal, était parvenu à le créer de ses mains, en spiritualisant la matière. Il n’était pas venu jusque-là pour savoir que la récompense d’une œuvre supérieure ne se trouve qu’en elle même et nulle autre part. Il eût pu leur dire qu’un souverain eût payé de ses trésors un tel joyau, et, à ce point de vue du moins, ils en auraient apprécié la valeur, mais il se contenta de sourire et garda le silence.

— Mon père, dit Annie pensant qu’un mot de louange du vieil horloger serait agréable à son ex-apprenti, venez donc admirer ce beau papillon.

— Voyons, fit Pierre Hovenden, qui se leva le sourire sur les lèvres, mettez-le sur mon doigt, afin que je puisse le contempler à mon aise.

Mais, au grand étonnement d’Annie, lorsque le doigt de son père s’approcha de celui de son mari, sur lequel se tenait l’insecte, on vit ce dernier chanceler comme s’il allait tomber à terre ; en même temps son éclat parut moins vif.

— Mais il va mourir ! s’écria la jeune femme alarmée.

— C’est un être fort délicat, répondit l’artiste avec calme. Comme je vous l’ai dit, en lui réside une essence spirituelle que vous appellerez magnétisme, ou de tout autre nom qui vous plaira ; et, dans une atmosphère de doute et de raillerie, il éprouve des tortures analogues à celles dont souffrit celui qui l’a créé. Sa beauté l’abandonne déjà, et dans peu d’instants, son organisme sera complètement détruit.

— Retirez votre doigt, mon père, fit Annie d’une voix suppliante, laissez le pauvre insecte se poser sur l’inno-