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L’AMOUR DU BEAU

du vieil horloger. Un peu plus, sans la présence de ce dernier, il se fût imaginé que l’âme de Pierre Hovenden était cachée sous cette forme enfantine, et que c’était cette bouche rosée qu’il entendait répéter cette malicieuse question.

— Et le beau, Owen ? que faites-vous du beau ? l’avez vous créé ?

— Oui, j’y suis parvenu, répondit enfin l’artiste avec un air de triomphe ; oui, mes amis, c’est l’exacte vérité, j’ai réussi à le créer.

— Vraiment ! fit Annie avec l’accent de la joie la plus franche. Et maintenant peut-on vous demander quel est votre secret ?

— Certainement. C’est pour vous le faire connaître que je suis venu, répondit Owen. Vous allez voir, toucher, posséder enfin ce secret ; car c’est pour votre présent de noces, Annie, si je puis encore donner ce nom à mon amie d’enfance, que j’ai doué d’une âme ce mécanisme harmonieux, ce mystère de beauté. Mon cadeau vient un peu tard, c’est vrai ; mais c’est surtout lorsque, avançant dans la vie, les objets qui nous entourent perdent leur éclat et que notre intelligence sent s’émousser sa finesse de perception, que nous avons le plus besoin de posséder le sentiment du beau. Si vous appréciez ce présent, Annie, il ne viendra pas trop tard.

En disant ces mots, il fit voir une petite boîte d’ébène, ornée par lui-même d’une délicieuse mosaïque de nacre, représentant un enfant à la poursuite d’un papillon qu’on voyait un peu plus loin se métamorphoser en un esprit aérien s’enfuyant vers le ciel, tandis que l’enfant, dans