Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
185
L’AMOUR DU BEAU

un rayon d’en haut, dont le reflet pouvait donner à son visage l’apparence de l’égarement.

Un soir, qu’à peine revenu de sa promenade habituelle à travers la campagne, il venait d’exposer à la lumière de sa lampe ce travail délicat si souvent interrompu, si souvent repris, et qui semblait désormais faire partie intégrante de sa vie, il fut surpris par le vieil Hovenden. Jamais l’artiste ne le voyait entrer sans un serrement de cœur ; car, dans le cercle de ses connaissances, aucun être ne lui était plus antipathique, à cause de cet incroyable scepticisme qui le portait à nier ce que son intelligence ne pouvait saisir.

Cette fois, cependant, l’ancien horloger n’était point venu pour le morigéner.

— Owen, mon garçon, lui dit-il, nous vous attendons demain soir.

L’artiste balbutia une excuse.

— Non, reprit Hovenden, il faut que vous veniez absolument, ne serait-ce qu’en souvenir du temps où vous faisiez partie de la famille. Ignorez-vous que ma fille est fiancée à Robert Danworth ? Eh bien ! nous célébrons demain cet heureux événement.

— Ah ! fit Owen.

Cette exclamation, qui parut indifférente et presque froide à Pierre Hovenden, était cependant un gémissement étouffé, arraché au cœur de l’artiste par l’immense douleur qui l’envahissait, et qu’il eut pourtant la force de réprimer. L’instrument qu’il tenait à la main tomba sur son travail, et pour la seconde fois l’œuvre de tant de mois fut anéantie.

Jamais la passion d’Owen ne s’était fait jour, et il l’avait si bien refoulée dans son cœur, qu’Annie elle-même, mal-