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CONTES ÉTRANGES

Il rentrait chaque jour en ville à la tombée de la nuit, se glissait dans sa boutique, s’y enfermait et travaillait avec ardeur pendant des heures entières. Parfois le veilleur de nuit se hasardait à frapper à sa porte, voyant briller à travers les fentes une lumière insolite. Owen, surpris, se prenait à tressaillir, sans pour cela quitter sa tâche. La lumière du jour, lorsqu’elle le surprenait, lui semblait un fâcheux envoyé pour la distraire de son œuvre. Si le temps était sombre, menaçant, peu favorable à ses champêtres excursions, il s’asseyait sur un escabeau et restait toute une journée la tête ensevelie dans ses deux mains, comme pour isoler sa pensée des objets extérieurs et l’obliger à se reporter vers le but idéal de ses travaux nocturnes.

Un jour qu’il était plongé dans un de ses accès de mélancolique torpeur, il fut surpris par Annie Hovenden, qui entra inopinément dans sa boutique, et vint à lui avec la familiarité qu’autorisaient leurs relations enfantines. Elle avait fait un trou à son dé et venait trouver Owen pour qu’il le réparât.

— En vérité, dit-elle en riant, je ne sais si vous consentirez à vous charger d’une telle besogne, maintenant que vous êtes si occupé de donner la vie à une machine.

— Qui donc a pu vous donner cette idée, Annie ? dit le jeune homme en tressaillant.

— Personne ; elle m’est venue toute seule au souvenir d’une confidence que vous me fîtes quand nous étions encore enfants. Mais revenons à mon dé, voulez-vous le réparer ?

— Pour vous, Annie, je ferais n’importe quel travail, s’agirait-il de forger sur l’enclume de Robert Danforth.

— Ce serait un curieux spectacle, fit Annie en jetant un