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L’AMOUR DU BEAU

Un jour, pendant que durait encore ce que l’on appelait son heureuse transformation, le vieux Pierre Hovenden vint rendre visite à son ancien apprenti.

— Eh bien, Owen, dit-il en entrant, je suis heureux d’entendre de tous côtés parler aussi favorablement de vous. L’horloge de la ville répète vos louanges vingt-quatre fois par jour. Parvenez seulement à vous débarrasser de vos absurdes théories sur le beau, et, croyez-moi, vous réussirez certainement en continuant de la sorte. Je serais même capable de vous confier ma vieille montre, bien qu’après Annie, ce soit ce que j’ai de plus cher.

— Je n’oserais y porter la main, répondit Owen, que gênait évidemment la présence de son vieux maître.

— Avec le temps, reprit celui-ci, avec le temps, vous en deviendrez digne.

Puis, usant de l’autorité que lui donnait son ancienne position vis-à-vis du jeune homme, l’ex-horloger se mit à examiner le travail qu’il avait en main et les autres réparations en cours d’exécution. Pendant cet examen, l’artiste osait à peine relever la tête. Rien ne lui était plus antipathique que la froide expérience de Pierre Hovenden, dont il priait tout bas le ciel de le débarrasser au plus tôt.

— Mais qu’est-ce que cela ? s’écria tout à coup le bonhomme en soulevant une cloche de cristal ternie par la poussière, sous laquelle on apercevait un mécanisme aussi délicat que le système anatomique d’un insecte. Qu’avons-nous donc ici ? Il y a certainement de la sorcellerie dans ces petites chaînes, ces petites roues, ces petites hélices, et j’ai bien envie de vous délivrer, d’un seul coup de pouce, du danger d’une future rechute.