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CONTES ÉTRANGES

même, lorsqu’il s’agit du but suprême de ses espérances.

Pendant quelque temps, Owen Warland parut succomber sous le poids de cette dure épreuve. Durant de longues semaines, on le vit errer seul, la tête penchée sur sa poitrine, comme s’il eût voulu cacher à tous les pensées que reflétait son visage. Peu à peu cependant il releva son front et parut plus calme. Un grand changement semblait s’être opéré en lui, et, selon Pierre Hovenden, dont le sentiment était que notre vie doit ressembler à la marche régulière d’un chronomètre, c’était un résultat auquel devaient applaudir les véritables amis du jeune horloger.

En effet, Owen s’était remis avec application au travail. C’était merveille de voir avec quelle sérieuse gravité il examinait les rouages d’une grosse montre ou ceux d’une horloge à sonnerie. Bientôt il eut si complètement regagné la confiance publique que les édiles lui confièrent l’importante réparation de l’horloge paroissiale. Il s’acquitta de cette mission avec tant d’exactitude que ses concitoyens n’eurent que des éloges à lui donner. Les agioteurs ne manquèrent plus l’heure de la bourse, le malade eut sa potion au moment précis, les amoureux ne perdirent plus à s’attendre un temps précieux, et enfin les honnêtes bourgeois virent chaque soir leur potage arriver à la même heure.

Une circonstance, assez futile en apparence, marquait bien la période de calme dans laquelle son esprit était entré. Lorsqu’on le chargeait de graver un nom dans une boîte de montre ou des initiales sur des couverts d’argent, il les inscrivait de la façon la plus simple et sans les entourer de capricieuses arabesques, comme il avait coutume de le faire auparavant.