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CONTES ÉTRANGES

taient consumées dans d’abstraites recherches, un séjour délicieux digne d’abriter une femme adorée. De magnifiques tentures, d’un goût exquis, cachaient sous leurs plis majestueux la nudité des murailles, et Georgina se croyait transportée dans une mystérieuse retraite, inaccessible aux mortels. Comme pour donner quelque poids à cette supposition, Aylimer avait supprimé le jour extérieur nuisible à son expérience, et l’avait remplacé par la douce clarté de plusieurs lampes d’albâtre remplies d’une huile parfumée. Il s’était agenouillé auprès de sa femme, qu’il considérait avec attention, mais sans inquiétude, confiant dans l’infaillibilité de son savoir.

— Où suis-je ? Ah ! je me souviens, dit-elle en portant instinctivement la main à sa joue.

— Rassurez-vous, Georgina, et ne vous éloignez point de votre époux, car il se réjouit à présent de cette imperfection qui lui permet de remporter une nouvelle victoire.

— De grâce, reprit la jeune femme, obligez-moi de ne la plus regarder ; je vois toujours ce mouvement d’horreur que vous n’avez pu réprimer à mon aspect.

Afin de rendre à Georgina le calme nécessaire dans cette conjoncture, Aylimer se mit à exécuter quelques expériences curieuses. Il évoqua de gracieuses apparitions, fantômes aériens, pensées revêtues d’un corps diaphane, qui voltigeaient en se jouant autour du jeune couple et disparaissaient dans les zones de lumières projetées par les lampes d’albâtre. Bien qu’assez familière avec les phénomènes d’optique, l’illusion était parfois si complète que Georgina se prit à penser que son mari jouissait d’un pouvoir surnaturel sur le monde des esprits. À peine avait-elle eu le