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L’AMOUR DU BEAU

En un mot, il semblait n’être possédé que de l’amour du beau et à un degré qui eût fait de lui un poëte, un peintre ou un sculpteur ; car il était aussi peu soucieux de l’utile que s’il eût fait profession d’un de ces arts.

La mécanique proprement dite, avec la rigueur et la sécheresse de ses lois, lui inspirait un dégoût insurmontable. Une fois, on le mena voir une machine à vapeur, dans l’espoir de diriger son goût pour la mécanique vers un but utile ; mais il pensa s’évanouir à cet aspect, comme si on lui eût présenté quelque monstruosité. Cette répugnance était due en partie aux proportions énormes et à l’incessante activité de ce gigantesque ouvrier. En effet, l’esprit d’Owen le portait naturellement vers les objets microscopiques et les travaux minutieux, auxquels le rendaient éminemment propre l’exiguïté de sa taille et la prestesse merveilleuse de ses doigts fluets et délicats. L’idée du beau n’a rien de commun avec celle d’étendue et peut aussi bien se développer sur l’espace restreint qu’embrasse le microscope que dans la vaste étendue des cieux. Ce fut précisément cette propension aux travaux minutieux qui rendit plus difficile pour la plupart une appréciation du génie particulier d’Owen Warland. Ses parents crurent ne pouvoir mieux faire — et peut-être avaient-ils raison — qu’en le plaçant en apprentissage chez un horloger, espérant que ses étranges dispositions pourraient y être dirigées vers un but lucratif.

Nous avons fait connaître l’opinion de Pierre Hovenden sur son ancien apprenti. Il n’en put rien tirer. L’enfant saisissait avec une inconcevable facilité les finesses de l’état, mais il ne pensait guère à ce qui doit être la plus grande préoccupation d’un horloger : la mesure du temps. Aussi,