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CONTES ÉTRANGES

la force physique. Et comme ce travail est bon pour chasser du cerveau d’un homme les rêveries inutiles ! As-tu jamais entendu parler d’un forgeron dont la tête soit fêlée comme celle de cet Owen Warland ?

— Bien raisonné, mon oncle ! cria le forgeron du fond de sa forge, qu’il fit retentir d’une voix forte et joyeuse. Et que pense de cette doctrine mademoiselle Annie ? Sans doute elle trouve plus élégant de ciseler une montre de femme que de façonner un fer à cheval.

Mais Annie, sans répondre, tira brusquement son père par le bras, et tous deux continuèrent leur promenade, sans avoir répondu à l’interpellation du forgeron.

Revenons cependant à la boutique d’Owen Warland, nous aurons l’occasion de jeter sur son histoire un coup d’œil rétrospectif et d’étudier ce caractère que ni Pierre Hovenden ni même Annie, ou son ancien condisciple, Robert Danforth, le forgeron, n’eussent jugé digne d’arrêter l’attention d’un esprit sérieux.

Depuis le jour où il avait pu manier un canif, Owen avait montré une aptitude extraordinaire pour tailler dans le bois de petites figurines, principalement des oiseaux ou des fleurs. Il avait aussi quelquefois essayé de pénétrer les lois de la mécanique, mais ç’avait toujours été dans le but de produire une création gracieuse plutôt qu’utile. Il ne construisait pas, comme la plupart des petits écoliers, de petits moulins mis en mouvement par le vent ou par le courant rapide de quelque ruisseau ; mais ceux qui firent quelque attention à ses essais enfantins crurent remarquer qu’il cherchait à imiter les mouvements naturels des créatures animées, tels que le vol des oiseaux ou celui des insectes.