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CONTES ÉTRANGES

Il lui semblait, en effet, que des voix qu’elle connaissait depuis l’enfance, voix toujours présentes à sa pensée, au milieu de sa vie errante et dans toutes les vicissitudes de son cœur et de sa fortune, se mêlaient à celle de la sorcière. Bientôt les mots devinrent plus distincts, sans que les voix se fussent rapprochées, mais plutôt semblables aux lignes à demi effacées d’un livre éclairé par une lueur incertaine et vacillante.

Enfin l’invocation se termina, et l’inconnue, toujours agenouillée, entendit alors les voix de deux personnes âgées, un homme et une femme ; ces voix semblaient s’élever, non en plein air, mais dans une chambre, et les murs en renvoyaient l’écho ; on entendait trépider les vitres sous l’effort du vent ; l’oscillation régulière du balancier d’une horloge et le bruit que font les morceaux de coke embrasé, tombant d’eux-mêmes dans le cendrier, donnaient l’apparence de la réalité à cette scène dont le tableau se déroulait à ses yeux. Les deux vieillards étaient assis devant un foyer désolé : l’homme en proie à un muet désespoir, sa femme gémissante et le visage inondé de larmes. Bien tristes étaient les rares paroles qu’ils échangeaient. Il était question d’une fille errant on ne savait où, portant avec elle le poids du déshonneur et qui avait laissé, à la honte et à la douleur, le soin de conduire au tombeau ces deux têtes vénérables. Ils parlaient aussi d’un malheur plus récent ; mais leurs voix se confondit avec le bruit du vent balayant tristement les feuilles desséchées, et lorsque l’étrangère leva la tête, elle était toujours agenouillée dans la combe des trois collines.

— Le vieux couple passe tristement ses derniers jours, remarqua la vieille.