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CONTES ÉTRANGES

Et la maman vit le marmot déposer un franc baiser sur les lèvres de la petite statue. Mais, comme les lèvres de celle-ci n’avaient guère rougi, Violette conseilla à son frère de se faire rendre son baiser sur ses lèvres cramoisies.

— Viens m’embrasser, petite sœur de neige, cria Pivoine.

— Là, maintenant qu’elle l’a embrassé, dit Violette, voilà que ses lèvres ont rougi, ainsi que ses joues.

— Oh ! que son baiser était froid ! s’écria Pivoine.

En même temps s’éleva une fraîche brise de l’ouest qui, balayant le jardin, alla frapper les vitres du parloir, et la jeune mère, surprise par le froid, se mit à souffler dans ses doigts pour les réchauffer. Tout d’un coup elle s’entendit appeler par les deux enfants, et comprit, au son joyeux de leurs voix argentines, qu’ils se réjouissaient de quelque heureux incident.

— Maman, maman, nous avons fini notre petite sœur de neige, et voilà maintenant qu’elle court avec nous dans le jardin.

— Sont-ils inventifs, ces enfants ! pensa la mère en faisant un dernier point à la blouse de Pivoine. Ils finiront par me rendre aussi enfant qu’eux. Il me semble que si je regardais je verrais gambader leur petite statue.

— Oh ! je t’en prie, maman, cria Violette, regarde donc, tu verras quelle jolie compagne nous avons.

Sa curiosité ainsi aiguillonnée par les cris pressants des deux marmots, madame Lindsey ne put s’empêcher de jeter un regard par la croisée. Le soleil avait disparu, laissant l’horizon empourpré et chargé de gros nuages frangés d’or, qui adoucissaient les derniers feux du jour. Elle put donc