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CONTES ÉTRANGES

leurs costumes de vieillards, et les larges basques de leurs habits flottants, les gilets trop longs, ainsi que la coiffe et la douillette de la jeune fille, les jetaient dans des élans de joie extravagante. Ils jouaient à la mascarade, l’un boitait par la chambre comme un vieux grand-père, l’autre appliquait sur son nez une paire de besicles et faisait semblant de déchiffrer les caractères du grimoire avec une gravité comique ; un troisième enseveli dans un fauteuil à bras, singeait la pose du vieux docteur. Ce n’étaient presque plus des jeunes gens, c’étaient plutôt des enfants joyeux comme des poulains en liberté et folâtres comme des jeunes chiens de chasse. Ils poussaient des cris joyeux, courant et se poursuivant à travers la chambre.

La veuve Wycherly — s’il est encore permis de donner ce titre à une si jeune et si séduisante personne — s’était penchée sur le bras du fauteuil du docteur Heidegger, et avec un sourire malicieux :

— Docteur, cher docteur, lui disait-elle avec instance, accordez-moi la faveur que je vous demande, je vous en supplie, je veux m’amuser, faites-moi danser.

Je laisse à deviner le rire de la troupe à la vue de la plaisante figure du docteur en face de cette étrange proposition.

— J’espère que vous voudrez bien agréer mes excuses, ma jeune amie, répondit le docteur avec une grâce sereine, vous voyez que je suis un vieillard, et il y a déjà longtemps que je ne danse plus. Je ne doute pas cependant qu’un de ces jeunes gentlemen ne sollicite la faveur d’être votre cavalier.

— Dansez avec moi s’écria le colonel Killigrew.