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CONTES ÉTRANGES

— Il vaut mieux, je crois, ma chère, ne point nous appesantir sur ce sujet.

— Pardon, mon ami, réunissez bien vos souvenirs, il faut vous rappeler ce rêve.

Triste état que celui de notre âme, lorsqu’elle est obsédée par les sombres fantômes du sommeil, effrayants précurseurs des mystères de la mort. Aylimer se rappelait son rêve. Il lui avait semblé qu’en compagnie de son aide Aminadal, il essayait d’enlever la marque de naissance, mais, à mesure qu’il enfonçait l’instrument, la main semblait fuir le tranchant de l’acier, se réfugiant toujours plus avant, jusqu’à ce qu’elle eût atteint le cœur de Georgina, où elle s’était cramponnée avec une telle violence qu’il avait dû employer la force pour l’en arracher.

Lorsque ce rêve se fut représenté à son esprit dans ses moindres détails, Aylimer se sentit instinctivement coupable envers sa femme. Souvent un rêve nous dévoile plus nettement l’état de notre esprit que la réflexion ne le pourrait faire durant l’état de veille.

Il ne s’était pas encore rendu un compte exact de l’influence exercée sur lui par cette idée dont la persistance menaçait de le poursuivre jusqu’à ce qu’il eût satisfait son irrésistible envie.

— Aylimer, reprit solennellement la pauvre Georgina, je ne sais ce qu’il nous en coûtera pour faire disparaître cette marque fatale, peut-être me laissera-t-elle quelque difformité incurable, peut-être aussi a-t-elle une secrète relation avec le principe de mon existence. Enfin il n’est même pas certain que vous puissiez effacer ce signe dont l’empreinte s’est gravée sur mon visage dans le sein maternel.