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CONTES ÉTRANGES

périence pour qu’elles nous soient profitables, répondirent les quatre vieillards, dans une pensée unanime, en accompagnant leur réponse d’un petit rire chevrotant ; ainsi, docteur, soyez tranquille de ce côté, vous aurez lieu d’être satisfait.

— Je ne mettrai plus ma fortune sur de perfides navires, dit le négociant.

— Belle dame, dit le colonel en se tournant ironiquement vers la veuve Wycherly, vous pouvez essayer l’artillerie de vos beaux yeux sur moi.

— Je connais le défaut de ma cuirasse, ajouta l’homme politique, et je suivrai une ligne inflexible qui me conduira droit au but.

— Je recommencerai, pensa la veuve, mais j’éviterai le scandale.

— Buvez donc, dit le docteur en s’inclinant ; je vois avec plaisir que j’ai bien choisi les sujets de mon expérience.

À ce signal, les quatre vieillards, saisissant les verres de leurs mains tremblantes, les portèrent à leurs lèvres, et si jamais l’eau de la fontaine de Jouvence eût le don de rajeunir, elle ne pouvait abreuver quatre créatures humaines qui en eussent plus besoin que les amis du docteur.

Les verres étaient à peine replacés sur la table qu’un rayon de soleil éclairant à la fois leurs visages, ou la foudre les frappant d’une décharge électrique, n’aurait pas produit un changement plus rapide et plus complet. Ces quatre vieillards qui, une seconde auparavant, paraissaient n’avoir jamais connu un seul des bonheurs de la vie et des plaisirs de la jeunesse, bien qu’ils eussent autrefois été les enfants gâtés de la nature et les favoris de la fortune ; ces quatre